Introduction

Allez, on attaque un morceau qui fait peur, la culture G. La première chose à faire pour travailler sa culture G, c’est se lâcher la grappe..  Comme disait tonton Socrate: “Le premier savoir est le savoir de mon ignorance : c’est le début de l’intelligence”.

Une autre manière moins péremptoire de le dire (parce que Socrate, il a aussi dit des conneries dans sa vie, comme tout le monde), c’est de faire référence à la courbe Dunning-Kruger

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Plus vous allez avancer sur un sujet, plus vous vous rendrez compte que vous ne maîtrisez rien du tout. 

Les gens qui étalent leur culture G, la plupart du temps, sont tout en haut de la “montagne de la stupidité”, c’est-à-dire à peine plus loin qu’un grand débutant. On les retrouve beaucoup sur les plateaux de télé (#çadénonce). Et croyez-nous, il vaut mieux être un grand débutant.

Or, selon cette courbe, vous pouvez avoir l’impression de ne rien maîtriser, mais en fait être bien plus avancé que d’autres, qui donnent juste l’illusion de connaissance. Comme la culture G est souvent une question de savoir qui a la plus grosse, et que ce n’est jamais vous, gardez cela en tête, ça vous permettra de regarder tous ceux qui étalent leur science avec un autre oeil. 

Une fois qu’on a établi ce point, quelques précisions pour terminer cette introduction beaucoup trop longue (habituez-vous, ça se reproduira):

Le jury ne fait pas une édition de Questions pour un champion spécial admission Sciences Po, le jury ne fait pas non plus à priori partie de la Gestapo, donc, on ne va pas tester vos connaissances sur la force de Coriolis ou les vases étrusques. Ce qui les intéresse, c’est de savoir si vous avez une curiosité pour le monde, qui normalement devrait vous amener à avoir des connaissances, de manière générale, qui ressortiront dans une discussion avec vous.

 

Alors comme on sent que vous n’êtes pas satisfaits sur la question du “niveau” de culture générale, on y répond une bonne fois pour toutes. Oui, il faut quand même un niveau de culture générale. Si quand on vous demande ce qu’est l’affaire Dreyfus, vous ne savez pas, ça va faire grincer les dents. Si, à l’évocation du concept de “séparation des pouvoirs” vous nous regardez comme une vache qui a trouvé un sécateur, ça sera emmerdant. 

Le problème, c’est que quand on vous dit qu’il faut un certain niveau de culture G, vous flippez, et vous sortez la machine à ficher, et il y a rien de pire que la machine à ficher (on vous explique pourquoi ensuite).

 

En vrai, la question que vous vous posez souvent, c’est : est-ce que j’ai le niveau, les connaissances nécessaires, pour passer ?

Ecoutez. Ce qu’on peut vous dire, c’est que si vous vous intéressez au monde autour de vous, depuis pas juste la semaine dernière, que vous lisez trucs, que vous regardez des trucs, que vous consultez la presse, que vous vous intéressez au monde intellectuellement, sous des angles politiques, économiques, ou sociaux, d’une part, et si vous avez écouté en cours, d’autre part, vous l’avez, cette culture. Pas besoin de savoir citer la date de naissance de Jules Ferry ou la durée moyenne d’un ministère sous la 4e République (pas beaucoup). 

Donc oui, il y a un niveau à avoir, et vous l’avez pour la grande majorité d’entre vous, déjà. Cela ne veut pas dire pour autant qu’il faut se reposer sur vos lauriers, et il y a toujours de choses à faire, ne serait-ce que parce qu’enrichir sa culture générale, c’est l’affaire d’une vie (au bas mot). 

 

Maintenant comment on fait pour le muscler ? Comment est-ce qu’on travaille sa culture G dans l’optique du concours de Sciences Po ? 

 

D’abord, on définit ses intérêts intellectuels. On cartographie ce qui nous plaît, là où on se sent à l’aise, là où on a envie de creuser. On hiérarchise le boulot.

Ensuite, 2 axes de travail.

  • Axe 1, sur lequel on ira incroyablement vite : on va être curieux de tout, pour élargir notre spectre. Là il y a n’y aura pas 36 trucs à dire autre que : lisez, regardez, écoutez tout ce qui vous passe sous la dent, et qui vous botte un tant soit peu. Assouvissez votre curiosité de toutes les manières possibles et imaginables, dans tous les sujets. Ne considérez pas qu’il y a certains sujets ou supports “nobles” et d’autres “triviaux”, tout est matière à enrichir votre connaissance. La seule chose à faire, c’est de garder un esprit ouvert en permanence, et ne pas hésiter à vous laisser aspirer dans le rabbit hole
  • Axe 2, et là c’est beaucoup plus méthodique : choisir 3 sujets un peu Sciences Po, les approfondir vraiment, (c’est du boulot) et tirer le jury dessus autant qu’on peut lors de l’oral.

Module 1: les 3 sujets

Choisir ses sujets

Première chose qu’on fait, c’est essayer de définir les sujets qui vous plaisent vraiment. Qui vous stimulent intellectuellement. Que vous avez envie de creuser. Bref. Votre territoire intellectuel. Pourquoi ? 

Parce que le jeu va consister à essayer de tirer le jury sur ces terrains-là à l’oral. Imaginez que votre oral, c’est une discussion sur le sujet qui vous passionne. C’est le rêve non ? Vous connaissez les enjeux du truc, vous réfléchissez dessus, donc vous êtes critiques, vous avez plein de petites connaissances qui vous rendent intéressants, et, peut-être plus important encore, vous êtes détendus et énergiques quand vous en parlez. Exemple : moi avec Brel. C’est ce qu’on veut non ? Eh bien pour provoquer ça, on travaille en amont.

Donc on va essayer d’emmener le jury sur nos terres. On verra plus tard comment faire, mais c’est pas si difficile on vous rassure. Si vous nous dites : je suis untel, j’aime l’économie, l’histoire, et j’ai envie de découvrir le droit. C’est pôôvre. On entend ça 50 fois par jour, on a envie de se pendre. 

Mais si vous dites : j’aime l’histoire, et depuis le mouvement des gilets jaunes, je me suis beaucoup intéressé.e à la Commune de Paris et aux débuts de la 3e République pour essayer de comprendre le mouvement de fond”, mais il n’y a pas un jury au monde qui n’ira pas vous poser des questions là dessus. On va se dire : “tiens, intéressant, pourquoi la Commune ? Qu’avez-vous lu dessus ? Qu’en avez-vous pensé ?” Et hop, vous voilà en plein oral en train de vous faire plaisir sur un sujet que vous maîtrisez et qui vous botte.

On verra comment faire ça plus tard. Pour l’instant, on définit les sujets Sciences Po qui nous intéressent. 

Faisons une toute petite parenthèse : qu’est-ce qu’on entend par sujets Sciences Po ? Eh bien nous sommes bien incapables de vous répondre avec précision. La grande force (et aussi pour certains la grande faiblesse) de Sciences Po, c’est son approche transdisciplinaire et généraliste, qui fait que vous allez pouvoir étudier de très, très, très (très) nombreux sujets à Sciences Po.

Bien sûr, il y a des disciplines de base: l’histoire, l’économie, la sociologie, le droit, la philosophie. A priori, la physique quantique, la chimie moléculaire ou la biologie de l’évolution sont éloignées de Sciences Po.

Mais en vérité, tout peut s’étudier dans un esprit Sciences Po. Que dit la physique quantique de notre rapport à la matière, et donc de nos représentations du monde (anthropologie et philosophie) ? Comment la chimie moléculaire nous permet de comprendre l’influence des pratiques alimentaires sur nos corps, et, partant, l’enjeu des politiques de santé publique (sociologie, science politique) ? Que nous apprend la biologie de l’évolution sur nos rapports avec le vivant, et comment pouvons-nous repenser ses relations pour les rendre plus viables dans le futur (philosophie, histoire, anthropologie, droit) ?

Les savants du XVI-XVIIIème siècle n’en avaient cure de savoir ce qu’était la bonne discipline à étudier : Descartes était à la fois mathématicien et philosophe, Newton physicien et homme politique. 

Dans cette grande diversité, les sujets Sciences Po sont en fait ceux qui s’inscrivent dans l’esprit Sciences Po: comment et pourquoi les hommes se rassemblent en société, et comment se gouvernent-ils ? 

Donc, l’idée, c’est d’identifier les sujets qui vous plaisent, et qui interrogent de près ou de loin l’homme, ses sociétés et la façon dont le monde fonctionne.

Alors vous pouvez chercher : 

-par matières (bon, c’est très large, mais peut-être que vous aimez vraiment tout ce qui a trait à l’économie) (attention, c’est large)

-par sujets ou enjeux d’actualité, on en parlera,

– par sujets ou enjeux pas forcément d’actualité (la question de la désobéissance civile par exemple, pas forcément dans l’actualité directe, mais dans l’histoire proche en tout cas)

– par zone géographique, on en a parlé. Après, c’est pas forcément celles de votre campus ou de votre parcours. Vous pouvez viser Nancy, et juste, avoir un vrai intérêt pour la civilisation chinoise, pourquoi pas.(mais c’est quand même encore mieux si c’est celle de votre campus)

– par périodes historiques (vous pouvez aimer la guerre froide, Louis XI et la fin du Moyen-âge, la démocratie athénienne, la commune de Paris)

– Personnalités historiques (Jaurès, Simone de Beauvoir)

– Personnalités actuelles (et ne nous dites pas Michèle Obama ou Steve Jobs, on va encore s’arracher les cheveux, ou alors faîtes-le de manière intéressante) 

– Auteurs, peut-être que vous appréciez la pensée de Raymond Aron, ou j’en sais rien, de tel écrivain, ou tel économiste

– Courants de pensée (peut-être que vous kiffez l’existentialisme ou le romantisme)

 

Il y a plein de manières pour empoigner cette cartographie. Gardez en tête qu’il n’y a pas besoin de tous les identifier tout de suite, il y a qui viendront avec les lectures, d’autres s’amenuiseront. En tout cas, on fait un premier tour de table. 

Les 3 sujets

Deuxième étape, on choisit 3 sujets, qu’on ira approfondir tout au long de l’année. Pourquoi 3 ? C’est complètement arbitraire. Si vous préférez en prendre 2 ou 4 ou 5, aucun problème. L’idée, c’est d’en prendre 2 3 4, et de vraiment les creuser. Avec le temps que chaque sujet va vous prendre, vous allez vite voir que 3, c’est déjà bien. Et vous vous rendrez compte que souvent, même quand vous partez dans des directions très différentes, vous allez retomber sur ces trois sujets.

On va voir comment faire pour les creuser, mais pour l’instant, comment les choisir ? 

Première chose. Idéalement, vos sujets sont en bonne partie dans l’actualité, ou en tout cas, ont un écho dans l’actu. La question de la tolérance religieuse d’après Voltaire, nous on veut bien, c’est un beau sujet. Mais si vous arrivez à y intégrer la laïcité, et les enjeux liés à l’islam politique (par exemple) aujourd’hui, c’est mieux. Autre exemple : Les droits civiques dans les années 60, super sujet, mais si vous pouvez faire le lien avec les “race relations” de manière générale et l’actu chargée sur le sujet, c’est terriblement plus pratique. 

Deuxième chose. Vos sujets ne sont pas trop larges. “L’environnement” ou “L’Europe” sont de très beaux sujets, mais vous voyez la quantité de travail que vous allez vous prendre ? “Le réchauffement climatique” et “La question migratoire en Europe” sont des sujets plus faciles à cadrer à notre sens. Vous pouvez bien sûr élargir à l’Europe de manière générale, mais faites gaffe à ne pas prendre un sujet sans fond, vous vous noyeriez.

Troisième chose. Essayez de prendre des sujets en lien avec vos zones géographiques. Autant que possible. Si vous habitez en Chine, que vous visez Reims, et que vos 3 sujets sont des sujets d’économie, de féminisme et d’histoire, good for you, mais attention le travail. Donc. Essayez donc de marier le campus que vous visez ou votre zone d’origine avec des sujets, histoire de vous faciliter la vie. Si vous visez Reims, essayez de faire en sorte qu’au moins un ou deux des sujets soient liés à Reims (et en même temps, si ce n’est pas le cas, peut-être que Reims n’est pas le meilleur campus pour vous). D’autant que ça vous fera l’argument du “je me suis intéressée aux droits civiques aux Etats-Unis, et je veux aller à Reims pour approfondir, j’ai vu qu’il y avait un cours de monsieur Schmoll sur la question”. 

Quatrième chose. Vos sujets doivent vous plaire. Genre vraiment. Genre, vous n’avez pas peur de vous enfiler 3 bouquins et 5 films sur le sujet en une après-midi.. 

Mais in fine, une seule règle : le sujet vous plaît, et il est digne de discussion avec un jury de Sciences Po (et ils sont ouverts d’esprit). Si vous avez ça, vous êtes bons.

Exercice 1:

Cartographiez vos sujets. Pour vous aider, vous pouvez procéder par 

-sujets & enjeux d’actualité

-sujets et enjeux plus larges

-personnages historiques

-personnages actuels

-auteurs

-périodes historiques

-zones géographiques

-courants de pensée

-autre 

 

Exemple: les intérêts intellectuels de Benoît

Benoît (liste non exhaustive):

  • Les enjeux philosophiques et politiques de nos relations avec les autres êtres vivants
  • L’anarchisme
  • La Révolution française
  • L’exploration spatiale et les questionnements autour de la vie dans l’Univers
  • La géopolitique 
  • Les méthodes d’entraînement au mouvement naturel
  • L’empire romain
  • Les littératures de l’imaginaire (fantasy et SF)
  • L’évolution humaine depuis le Néolithique
  • La philosophie politique et la construction des Etats
  • Comment se construisent des identités

Exercice 2:

Parmi vos intérêts intellectuels que vous avez listés, choisissez 3 sujets qui vous plaisent particulièrement, et que vous pourriez utiliser.

Module 2: Faire sa biblio

Maintenant qu’on a nos 3 sujets. L’idée c’est pas de simplement lire tout ce qu’on peut dessus. On va organiser le travail pour ne pas se perdre, parce qu’on aurait vite fait de se perdre sur le créneau culture G. Première chose à faire : faire une biblio. C’est à dire, on prévoit les grandes lignes de ce qu’on va lire et regarder. Alors on dit “biblio”, au sens large, livre bien sûr, mais pas forcément. Des films, des docus, des émissions de radio, des articles, des vidéos youtube, ce que vous voulez. L’important, c’est de prendre des choses qui vous plaisent, qui vous apprennent des choses, et surtout, qui vous fassent réfléchir.

 

Alors je vous donne un exemple en deux minutes, un exemple perso de biblio. Sujet, la révolution française. C’est pas un sujet “Sciences Po” à proprement parler encore que, mais moi quand je me suis plongé dedans, c’était dans le contexte des gilets jaunes, et c’était super intéressant de faire des liens entre les deux. On était quand même pas si loin de l’actu.

 

Donc. Biblio sur la révolution française. Je vous fais un petit tour des choses qu’on pourrait lire et regarder sur le sujet, et c’est vraiment pas exhaustif, c’est juste pour montrer la variété de ce qu’on peut trouver dans une biblio sur un sujet, celui là ou un autre.. 

 

Allez, on peut commencer par les bouquins sérieux. Alors évidemment, il y en a plein. Petite difficulté, sur un sujet comme la révolution, il y a un vrai clivage, des interprétations très marquées, de l’Histoire, de gauche comme de droite, il faut regarder des deux côtés pour ne pas s’enfermer. Alors on peut lire “les deux révolutions” de Guillemin, qui a une lecture à gauche, ou, si on veut quelque chose qui envoie encore plus du lourd, “L’histoire socialiste de la révolution” de Jean Jaurès. De l’autre côté, un classique parmi les classiques, qu’on pourrait qualifier de droite, L’histoire révolution française de Michelet. Avec le temps et le recul, historiquement, c’est pas ouf, mais c’est une source primaire importante, et c’est très bien écrit.

Bon, ça c’est pour avoir un pavé, une référence sur la question. 

Moi, je préfère travailler avec des choses plus sympas. Du coup, je commence avec les conférences d’Henri Guillemin. Guillemin, il parle des heures, sans notes, avec passion, vous savez, c’est le prof d’histoire qu’on rêve tous d’avoir, et Guillemin s’est largement penché sur la révolution française. Alors comme il a une lecture engagée à gauche, on regarde aussi une conférence de Marion Sigaut, pour voir ce qui se dit chez les royalistes. Bien sûr, on va être un peu moins d’accord, mais on s’en fiche, moi j’ai appris plein de choses avec elle. 

 

Donc ça c’est pour la base.

Pour approfondir, on peut aller vers des choses très rigoureuses, avec des historiens, Marcel Gauchet, Cécile Obligi, Jean-Clément Martin ou on peut aller vers des choses un peu plus libres, avec Jean-Luc Mélenchon par exemple, qui est un bon connaisseur de la révolution, et qui a été invité un peu partout pour en parler ces dernières années. Sur Hérodote par exemple, il a donné une interview dans laquelle il se penche sur le rôle des femmes dans la révolution, c’est passionnant. ça peut être une manière d’approfondir.

Et puis si on veut on peut s’attarder sur un point, ou sur quelqu’un, on peut. Faire une sorte de sujet dans le sujet. Par exemple, faire un focus sur Robespierre. Moi Robespierre c’est un type qui me fascine, c’est un personnage qui est loin d’être une espèce de sanguinaire qu’on a décrit pendant longtemps, pas un historien sérieux dans les 40 dernières années soutient une thèse pareille. C’est un gars avec des principes, qui passe sa vie à se référer à la déclaration des droits de l’homme, alors il engueule tout le monde sur l’esclavage, sur la répartition des richesses, sur la démocratie, c’est un idéaliste, Robespierre, à la limite de la naïveté, et il a fini par énerver tout le monde à vouloir partager les richesses et ils ont eu sa peau. C’est un personnage très intéressant, et très touchant. Alors des biographies de Robespierre, il y en a…oulalah. Une foultitude. 

Ca c’est une manière d’approfondir.

Maintenant, on peut aller vers des formats plus faciles, avec le cinéma, alors bon, il y a les classiques, comme la révolution française, en plus c’est pratique, c’est un téléfilm, il est sur youtube. Plus récemment, un peuple et son roi, ou encore, les adieux à la Reine, avec Léa Seydoux et Diane Kruger, qui montre la révolution à travers le regard d’une aristocratie qui ne comprend rien à ce qui lui arrive. 

Et puis il y a bien sûr la littérature, avec, pour citer un exemple récent, Eric Vuillard, 14 juillet, voilà pour avec un Goncourt sur le sujet. 

Mais on est toujours dans des formats classiques. Il y a aussi des bandes dessinées, par exemple Révolution, de Grouazel et Locard, une BD super bien fichue, qui nous plonge dans la vie quotidienne pendant la révolution, à travers 3 personnages, un journaliste pamphlétaire de droite, une sorte de Eric Zemmour de l’époque, un gamin des rues, un aristocrate de province monté à Paris pour voir son frère député de la Convention. 

Autre exemple, une autre BD, en deux tomes, qui s’appelle La mort d’un monde, et la naissance d’un monde, très intéressant parce que racontant la révolution pour le premier tome à travers les yeux des aristocrates, le deuxième à travers les yeux du peuple, donc, une sorte de regard croisé, c’est un exercice très intéressant.

Et il-y-a même, des jeux vidéos, avec Assassin’s creed unity, qui, même s’ils n’ont pas fait un travail historique à se rouler par terre, mais qui ont fait un travail de reconstitution du Paris de l’époque qui est époustouflant.

 

Donc, en fait, il y a 1001 formats à disposition, des trucs exhaustifs et complexes, et des trucs beaucoup plus légers.

 

Maintenant vous allez me dire, la Révolution française c’est facile il y a plein de trucs, il y a des romans, des films, alors que si on choisit un sujet genre les inégalités économiques, -sujets très intéressant par les temps qui courent-, c’est beaucoup plus aride, ça va essentiellement être des essais, des réflexions, des articles de fond. Ben pas forcément en fait. Votre job à vous, ça va être d’aller trouver des trucs qui ancrent dans le réel les inégalités. Alors oui, vous allez lire un bouquin de Piketty bien intellectuel bien explicatif, Piketty c’est un économiste qui travaille sur les inégalités depuis 25 ans, bon, mais il y a plein d’autres choses. Exemple, sans avoir vraiment réfléchi à la question. La vie vie est un long fleuve tranquille, vous savez, ce film sur les deux familles, les pauvres, la Famille Groseille, et les bourges, dont on a échangé un enfant à la naissance. Et ils s’en rendent compte 10 ans après. Vous avez une confrontation des deux mondes. C’est super, sur le sujet des inégalité, un truc comme ça. Bon, vous allez me dire c’est old school, la vie est un long fleuve tranquille. Bon ok, regardez Neuilly sa mère. c’est pas forcément le meilleur exemple, évidemment que c’est pas du grand cinéma, mais ça alimente votre réflexion sur le sujet. Pour prendre un exemple plus sérieux, regardez n’importe quel Ken Loach sur la misère sociale, allez I Daniel Blake, et c’est parti, vous avez de la matière pour avoir des références vivantes sur un sujet à priori intéressant mais théorique. En clair. Peu importe le sujet que vous choisissez, vous aurez des milliers de choses. Certains auront un plus grand choix, c’est vrai, la révolution française c’est délirant le nombre de choses qui ont été écrites ou tournées dessus, mais c’est aussi un problème, parce qu’on peut aussi se perdre. Donc, pas d’inquiétude sur le nombre ou la qualité de ce que vous trouverez sur les sujets que vous choisirez. Vous trouverez plein de choses intéressantes.

 

Et ça va vous nourrir.

A force de lire, d’écouter et de voir des choses qui me plaisaient sur le sujet, par exemple, Robespierre, d’abord j’ai retenu plein de choses, mais surtout, j’ai réfléchi, j’ai fait des liens. Je sais que Robespierre est contre la guerre, contre l’esclavage, contre la peine de mort, qu’il est pour la citoyenneté des juifs, pour encadrer les prix du pain,avec la loi du maximum, qui rend les bourgeois fous de rage. J’ai pas besoin de fiches pour retenir, ça m’intéresse vraiment. 

Et si dans l’actualité on parle de l’impôt sur la fortune, et je sais que Robespierre, déjà, il y a 2 siècles, était pour une limite à la propriété. Donc je fais des liens. Je réfléchis. Et si je suis face au jury, je les entraîne là-dessus. Et je leur dis, mais vous savez, la question de la propriété, que soulève l’ISF, c’est une vieille question, ça fait au moins 230 ans qu’elle est posée. Est-ce qu’on met une limite à la propriété ? C’est enjeu qui devrait être fondamental dans notre société. Mais on en discute pas, parce que la propriété, c’est off limits.

Sauf que, ne pas toucher à la propriété, c’est un choix qu’on a fait à un moment donné. Au départ, c’est des bourgeois qui ont fait la révolution, pas le peuple. Et c’est eux qui écrivent la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qu’on connaît tous. On trouve des trucs bizarres, dans la déclaration des droits de l’homme, quand on commence à réfléchir. L’article 17 dit : la propriété est inviolable et sacrée. Les mecs étaient tous des voltairiens, ils vomissaient l’Eglise, et le mot sacré ils ne l’utilisaient jamais. Et ce mot, sacré, apparaît dans la DDHC. A un seul endroit. Pas pour la liberté. La liberté est sacrée, ça aurait été noble. Non non, La propriété est sacrée. Interesting. C’est fou comment les propriétaires ne perdaient pas le nord, déjà à l’époque.

 

Bref, je continue pas là dessus, mais c’est pour vous dire, si vous faites correctement ce travail de biblio, que vous approfondissez 3 sujets, que vous y réfléchissez vraiment, que vous faites des liens, vous aurez plein de trucs intéressants à raconter au jury !

 

Conclusion

Deux trois choses pour conclure sur les 3 sujets. 

D’abord. La vie est trop courte pour lire ou regarder des trucs “pas mal”. Choisissez, ce que vous lisez et regardez, prenez pas ce qu’on vous donne ou ce qui est accessible. les biographies de Steve Jobs ou de Michelle Obama, pourquoi pas, mais il y a peut-être des choses qui vous correspondent plus ? Prenez ce qui vous plaît, qui vous fait vibrer, qui vous décoiffe. Et c’est en allant sur ces sujets que vous marquerez le jury. Dans vos choix, mettez comme premier critère ce qui vous accroche. 

Votre deuxième critère, qui est très important aussi, c’est de choisir des choses qui ont une valeur ajoutée intellectuelle. Ça ne veut pas forcément dire des gros livres avec des trucs compliqués dedans. Non, c’est juste, quelque chose dont le contenu vous apprend des choses, et vous fait réfléchir. L’exemple de Jean-Luc Mélenchon qui parle de la place des femmes dans la révolution est un exemple. Jean-Luc Mélenchon, ses idées, on s’en fiche. Mais il a des choses intéressantes à dire sur la révolution, même si ce n’est pas un spécialiste émérite de cette question. Mais c’est quelqu’un qui a mené une réflexion sur le sujet, qui a fait des liens, qui a comparé, qui a essayé de s’appuyer dessus pour mieux mener son combat politique, et ce gars dit : quand les femmes se mêlent d’un mouvement social, ça prend tout de suite une autre tournure. Parce que ça devient concret, les femmes, qui étaient jusqu’à peu, encore en grande partie malheureusement, celles qui font tourner la maison, elles ne descendent pas dans la rue pour des grandes théories, elles descendent quand elles doivent nourrir leurs petits. Donc, l’intervention des femmes sur la scène d’un mouvement social, c’est quelque chose d’important, c’est ce que nous dit Mélenchon, et on gage que venant de quelqu’un qui a 50 ans de combat derrière lui, c’est une observation qu’il a vécue. C’est une idée importante, parce que c’est quelque chose qu’on retrouve ailleurs. Et si on va regarder “femmes mouvement social Chili”, tiens tiens, c’est là comme idée. 

Ce qu’on essaie de dire, c’est que ce n’est pas forcément les lectures de pavé qui vont vous donner de la valeur ajoutée. Ca peut être une simple petite vidéo d’un responsable politique sur un sujet secondaire, les femmes dans la révolution française. ça peut allumer quelque chose chez vous, et si c’est le cas, foncez.

Donc. Première chose. Kiffez. Deuxième chose, allez vers ce qui vous fait réfléchir. 

 

Maintenant comment est-ce qu’on peut mesurer à l’avance la qualité de ce qu’on va mettre dans notre biblio ? C’est difficile, vous l’avez vu avec notre exemple sur la révolution russe. On y va en tâtonnant, mais peu à peu, on a des repères. On a vu passer le nom de Patrick Rotman, on sait qu’il fait des docus de qualité, hop, notre oeil accroche. On a vu que tel docu sur Lénine était cité sur plusieurs pages internet, hop, notre oeil accroche. Donc, vous inquiétez pas trop, vous ferez votre tri, votre oeil s’aiguisera. L’important c’est d’avancer. 

Un conseil: la plupart des auteur.trice.s font aujourd’hui de la promo ou des conférences pour présenter leurs bouquins (même si les plus savants). Et la magie de Youtube, c’est qu’il y a tout. Une bonne façon de débroussailler le terrain, et de voir si vous accrochez avec tel.le ou tel.le auteur ou autrice, c’est de cherche s’il n’y a pas une petite conférence, rencontre, vidéo de promo, afin de vous familiariser avec sa pensée et ses idées fortes, et d’ajouter ensuite son ouvrage à votre bibliographie.

Exercice 3:

Faites vos 3 biblios (on vous a pondu un document pour y voir clair). 

On pense que 2 ou 3h, ça devrait le faire pour pondre une biblio acceptable pour chacun des 3 sujets. Maintenant rien ne vous empêche d’y mettre une demie journée complète. Mais 2-3h pour avoir une base solide, ça nous parait raisonnable.

Télécharger le doc Biblio

Module 3: Soyez curieux de tout

On a vu les 3 sujets. Maintenant, on élargit, on va vers la culture G générale, voilà, la culture générale, la vraie, la fameuse. Et là, les amis, il n’y a pas beaucoup de méthodologie, hormis le conseil suivant : 

 

Soyez curieux. Soyez curieux. Pour deux raisons.

1) parce que c’est sans doute un des critères centraux de Sciences Po. Ils aiment les gens qui s’intéressent à plein de choses.

2) parce que vous ne savez pas quoi, dans vos lectures diverses et variées, pourra vous aider à un moment ou à un autre dans un argument. 

 

Dernièrement, je lisais l’Archipel d’une autre vie, d’Andréï Makine. A première vue, bon, c’est l’histoire de la traque d’un homme dans la Tundra, rien de super intéressant niveau Sciences Po. Sauf qu’il y a 1001 choses qu’on peut tirer de ce bouquin : l’ambiance des années 50 en Russie, la délation, le rapport à la violence, le rapport au pouvoir, les droits de l’Homme, bref, c’est une bouquin qui amène une réflexion sur plein de sujets, qui pourraient être exploitables.

 

Bon, alors vous allez me dire, oui, merci, un roman historique, qui se passe en Russie. Forcément il y a des trucs à raconter. 

 

Très bien, prenons un autre exemple. Human. De Yann Arthus Bertrand. Rien à voir avec Sciences Po. Juste, un documentaire sur les humains. Une vraie merveille. Si vous sortez de là sans avoir des trucs à raconter, je ne sais pas ce qu’il vous faut. 

 

Mais vous allez dire, scrogneugneu, c’est encore un format trop facile. Bon. Prenons quelque chose qui a vraiment rien à voir avec Sciences Po. Le rap. Oui ben écoutez “Nés sous la même étoile”, en 2 minutes vous avez compris un sujet comme l’égalité des chances.

 

Mais je vais prendre un exemple encore plus extrême, pour vous montrer comment il peut y avoir des truc, mais, claqués au sol, qui peuvent vous faire des arguments extraordinaires. Exemple. En ce moment, je me penche pas mal sur deux sujets, sur les origines de l’homme, et sur l’Etat providence, la sécurité sociale. Bon. On a des phases, comme ça.

 

Alors l’autre jour, je lis un truc fantastique. En 1957, on fait la découverte dans une grotte au Kurdistan irakien, d’un squelette, qu’on a appelé Shanidar 1. C’est un homme de Néanderthal. 45 000 ans. On a étudié ce squelette en long en large et en travers, et on peut dire avec certitude que ce Shanidar 1, on sait pas trop pourquoi, il avait tout un tas de handicap depuis jeune. Il était clairement sourd, (vous, savez, les paléoanthropologues peuvent reproduire les conduits auditifs, bref, c’est impressionnant ce que les mecs peuvent voir sur un squelette), donc, il était sourd, vraisemblablement malvoyant, il lui manquait le bras droit, et vue sa colonne vertébrale, sans doute qu’il se déplaçait avec beaucoup de difficulté. Sauf que, on peut mesurer la vieillesse du squelette, on sait qu’il est mort à 50 ans. Donc. On a la certitude qu’il ne pouvait pas survivre seul pendant sa vie. Il était handicapé, et il a vécu sa vie. Et la conclusion qu’on en tire, indiscutable, c’est que chez homo Néanderthalis, il y a 50 000 ans, on s’occupait des faibles. Vous voyez le lien que je vais faire avec la Sécurité Sociale ? S’occuper des plus faibles, dans un groupe, n’est pas une lubie de communistes qui veulent partager. C’est quelque chose que nous les humains, comme homo Néanderthalis, on a au plus profond de nous. La sécurité sociale, ce n’est qu’une mise en forme juridique moderne, d’un de nos instincts les plus primitifs, qui est l’empathie et la solidarité.

 

Voilà. Vous êtes curieux d’un truc qui n’a rien à voir avec rien, les trouvailles de Néanderthal dans une grotte au Kurdistan, et vous en faites un argument bien politique avec. 

 

Vous avez compris ? Vous ne savez pas d’où viendra un bon argument. Donc. Ouvrez-vous, lisez, buvez, faites des liens, faites vous plaisir. 

 

Bon alors vous allez nous dire, soyez curieux, merci du conseil. 

Ok ok. Comme on a une manie, au repaire, à tout structurer tout le temps, déclinons ça en 3 sous-conseils.

 

  1. Intéressez-vous à tout. Quand on dit tout, c’est tout. Evidemment, les sujets Sciences Po, mais pas seulement. Il y a un documentaire sur l’autisme ce soir sur Arte, regardez ! Une expo sur tel peintre dans un musée pas loin de chez vous, allez jeter un oeil. Juste, ouvrez-vous sur les possibilités intellectuelles et artistiques autour de vous. Pas de barrières, limite même pas d’objectif, faites le contraire de la biblio qui est de cadrer un travail, là, juste, ouvrez grand les fenêtres ! Donc, intéressez-vous à tout ce qui de proche ou de loin vous permet d’appréhender le monde. Et si c’est Néanderthal, eh bien Néanderthal.

 

  1. Deuxième chose, dans la même lignée : zonez. Sans but. Vous le faites sûrement déjà sans le savoir, comme monsieur Jourdain… c’est lire des choses sans but précis, se laisser dériver sur Wikipédia ou ailleurs, (et même pourquoi pas les réseaux sociaux). Je sais pas vous cherchez un truc sur le libéralisme, vous allez voir libéralisme sur Wiki, vous cliquez sur Margaret Thatcher, et puis il y a l’expression chicago boys, vous allez voir, de là vous tombez sur Pinochet, puis Salvador Allende, et puis de là, ça bouge vers la gauche sudaméricaine. Vous êtes passé de Adam Smith à Lula. Et vous zonez, comme ça, au gré de vos intérêts. Juste, laissez votre curiosité faire ! ça repose, et on apprend plein de trucs.

 

  1. Troisième sous conseil, et là c’est un peu plus concret. Soyez pro-actifs. C’est une autre forme de curiosité. Allez chercher, vérifier, par vous-même. Vous lisez un article sur l’Union africaine qui mentionne le président ghanéen. Nana Akufo-Addo. Moi je le connaissais pas. Je suis allé regarder, qu’est-ce qu’il parle bien ce gars. Et hop, j’ai appris des trucs. Juste. Allez voir. ça prend deux secondes. Vous écoutez une émission, ça parle des Romanov, vous ne savez pas ce que sont les Romanov, allez checker ! Ou alors, vous voyez une affiche d’Amnesty international quelque part, bougez-vous, allez voir sur le site, ça existe depuis quand, c’est quoi leur combats ? L’idée c’est pas d’être au taquet, tout le temps, mais

nous notre génération on a une chance incroyable, on peut aller chercher ce genre de choses en 3 secondes sur nos téléphones. Bon sang, profitez-en ! Bougez-vous dans votre curiosité.

 

En résumé. Ouvrez-vous à tout, soyez curieux de tout. 

 

Mais on vous voit venir, scrogneugneu, s’ouvrir à tout, mais par où je commence. Alors on a inventé un nouveau petit site, qui peut-être vous donnera deux-trois idées. www.cultureg.fr. C’est cadeau (et c’est en construction constante, c’est notre propre wikipédia).

 

Le documentaire Human, en HD, 5 volumes, sur Youtube. 

Nés sous la même étoile, IAM, Youtube

Le docu Histoire du rap conscient, Arte, sur Youtube.

Module 4: Combien travailler la culture G

Dernière chose. Combien travailler la culture G. 

Alors là les amis, joker mais cosmique. Il n’y a pas de réponse possible à cette question, vous vous en rendez bien compte ? 

Entre 2h et 15h par semaine, selon ce que vous pouvez ! 

Et la raison pour laquelle on ne dit pas, comme pour l’actualité, 2h, c’est parce que le travail de culture G qu’on vous demande, on l’a dit, c’est pas du travail. Donc, ne vous mettez pas la rate au court bouillon en mode “il faut que je travaille tous les jours en plus de mes cours”. Mais non, c’est juste de la lecture de trucs qui vous plaisent. Vous en faites autant que vous voulez ! Juste, prenez votre pied !